OTOMO Katsuhiro

Artiste Japonais

MEMORIES, film de Katsuhiro Otomo

Sorti le 16 décembre 1995


MEMORIES

«In the future, present or imaginary world, MEMORIES reveal themselves, like roses petals opening»

MEMORIES

C'est en Décembre 1995, soit 7 ans après Akira, que sort le second film d'Otomo. C'est en fait une série de trois courts métrages réalisés par trois auteurs différents mais dont les scénarios sont signés Otomo, et l'ensemble de l’œuvre est aussi supervisée par Otomo.

Ces trois courts métrages se veulent très différents dans leur forme, qu'elle soit graphique, historique ou musicale; mais le message qu'ils transmettent arrive à donner une homogénéité à l'ensemble du film: Memories parle avant tout du genre humain. Au travers de ces trois courts, Memories révèle l’humanité telle l’éclosion d’une Rose matinale. On ne peut s’empêcher de penser à 2001 l’Odyssée, qui lui aussi traitait de l’humanité et de son instinct primitif, qui est celui de se protéger.

Pour la sortie du film, Otomo s'occupe de l'affiche et nous pond, comme à l'accoutumé, une merveille.

Bien sur, on ne peut pas parler de Memories, le film, sans mettre l'accent sur les musiques qui l'introduisent et le concluent. C'est Takkyu Ishino, le maître incontesté de la techno mondiale, qui se charge de leurs compositions. On se retrouve face à une oeuvre magistrale intitulée "In Yer Memories" qui nous berce pendant plus de 6 minutes jusqu'aux confins de notre inconscient. Sans aucun doute, le thème musical le plus intense depuis la neuvième de Beethov! D'ailleurs, si l'on devait refaire Orange Mécanique, ce serait l'histoire d'une personne qui aime le sexe, la violence et ... Takkyu Ishino!


MEMORIES

Premier Court: the Future

KANOJO NO OMOIDE

-son souvenir-

Réalisé par Koji Morimoto - Musique de Yoko Kano

Ce film est l'adaptation du manga de Otomo sorti dans Young Magazin en Octobre 1980. C'est Morimoto, grand ami de Otomo (avec qui il monta les studios 4C), qui s'occupe de mettre en scène cette histoire de 2 astronautes plongés dans un monde entièrement sous contrôle. Ce grand maître de l'animation (il travailla d'ailleurs sur celle d'Akira), à l'engagement déontologique assez profond, va réaliser ici une véritable merveille visuelle. Rien, rien n'est à jeter dans ce court où tout semble friser la perfection (si peut être 10 secondes passables!), les scènes spatiales sont d'un réalisme qui pourrait faire pâlir 2001 (même si Otomo ne cache pas à quel point Kubrick l'influença); l'animation est fluide, agréable et permanente; les dessins sont précis, détaillés; la tension narrative est perpétuelle et les musiques de Kano (tiré de l'opéra Madame Butterfly, Puccini) surenchérissent toutes ses qualités déjà fortes abondantes. Au sujet des musiques, Kano, comme à son accoutumée, fait appel à L'orchestre philharmonique de la république Tchèque: un gage de qualité.

Incontestablement, Kanojo no Omoide est une oeuvre qui fait date dans l'histoire de l'animation.


MEMORIES

Second Court: The present

SAISHUU HEIKI

-arme la plus puante-

Réalisé par Tensai Okamura - Musique de Jun Miyake

L'histoire commence à Yamanashi, petite ville des Alpes japonaises, à 150 kilomètres de Tokyo. Yamada, un jeune chercheur avale une capsule imaginant soigner son rhume, pas de bol, il va devenir une véritable bombe puante, dévastant absolument tout sur son passage. Mais attention, il fait route pour la capitale, il faut impérativement l'arrêter.

L'histoire se veut avant tout humoristique, mais le message qu'elle transmet est incontestablement sérieux: critiquer cette bureaucratie incapable d'action intelligente car ignorante des réalités du terrain. De part cette histoire, Otomo s'en prend aux politiques nippons qui passent leur temps assis sur de beaux fauteuils mais aussi qui n'accepte pas l'aide extérieur. Et c'est Okamura, habitué de la comédie, qui nous pond ce court avec toute l'intensité qui lui convient. Les bruitages sont d'une puissance incalculable (je vous conseille de mater ce film avec un équipement audio de la plus haute qualité, vous comprendrez), et les musiques collent parfaitement au film. A titre d'info, Jun Miyake, qui doit être un bon ami d'Otomo, est compositeur de Jazz (il n’a aucun lien avec le monde de l'animation) et les musiques qu'il crée sont exactement celles qui accompagnent le court. Miyake ne s'est pas adapté au film pour faire ces musiques, il les a fait, telle qu'il les fait d'habitude et tout colle à merveille.


MEMORIES

Troisième court: The Imaginary World

TAIHOO NO MACHI

-la ville au canon-

Réalisé par Katsuhiro Otomo - Musique de Hiroyuki Nagashima

Court métrage de 20 minutes, sans parole, réalisé en un seul plan séquence (même si je trouve qu'à deux reprises, Otomo triche un peu!). Un travail considérable pour raconter cette journée vécue par une famille au sein d'une ville névrotique dirigée par un fou paranoïaque. Le style graphique est assez naïf, ce qui n'empêche pas aux détails d'être abondants. Mais ce que l'on retient, c'est surtout ce contraste entre ce père de famille, condamné et désillusionné et son enfant, baigné par la naïveté, par un imaginaire, mais aussi condamné. Un film troublant, sans aucun doute qui révèle à sa manière les déboires de la crise mimétique.

En ce qui concerne les musiques de Nagashima, on peut le dire, elles sont "space", mais on constate qu'elles ne peuvent se passer des images tout comme les images ne peuvent se passer d'elles: la symbiose est donc totale.